lundi 23 juin 2025
Ce samedi, une cinquantaine de perliculteurs ont assistĂ© Ă un symposium organisĂ© par lâentreprise Ă lâIntercontinental, marquant une volontĂ© affirmĂ©e de connecter les producteurs locaux aux exigences du marchĂ© mondial.
PrĂ©sent en PolynĂ©sie depuis 1990, le groupe familial Belpearl â fondĂ© par la famille Hajjar, originaire du Liban â accompagne dĂ©jĂ 25 fermes locales. Fort de son expĂ©rience au Japon, Ă Hong Kong et dĂ©sormais Ă Tahiti, il sâest imposĂ© comme lâun des acteurs majeurs du nĂ©goce perlier Ă lâĂ©chelle internationale.
Un bureau local pour évaluer, trier et vendre
Freddy Hajjar, futur directeur du bureau de Papeete, explique la dĂ©marche : âNous allons ouvrir un espace en centre-ville oĂč les perliculteurs pourront dĂ©poser leurs lots pour une estimation prĂ©cise. Beaucoup ne savent pas rĂ©ellement combien valent leurs perles car le triage nâest pas toujours bien rĂ©alisĂ©.â
Belpearl entend former gratuitement les producteurs aux techniques modernes de triage, inspirĂ©es des technologies dâintelligence artificielle utilisĂ©es pour les diamants. Un accompagnement qui devrait permettre aux professionnels de mieux rĂ©pondre aux attentes du marchĂ©.
Lutter contre les rumeurs et informer Ă la source
Lâinitiative vise Ă©galement Ă lever les zones dâombre autour des ventes. âLorsquâon vend Ă bon prix Ă lâinternational, on entend ensuite ici des rumeurs contraires. Câest de la radio cocotier. Il est essentiel de rĂ©tablir la vĂ©ritĂ© et de donner aux producteurs les outils pour suivre leurs ventes et comprendre la valeur de leurs produitsâ, insiste Freddy Hajjar.
Pour Steve Pommier, perliculteur Ă Arutua et prĂ©sident du comitĂ© de gestion du lagon, cette nouvelle transparence est prĂ©cieuse : âOn est souvent concentrĂ©s sur la production sans savoir ce que recherchent les acheteurs. Ce lien direct avec le marchĂ© permet de mieux orienter nos Ă©levages, en termes de qualitĂ©, de taille et de couleur.â
Un accÚs direct au marché mondial
Arii Sichoix, perliculteur aux Gambier, salue lâouverture du bureau : âGrĂące Ă Belpearl, on accĂšde au marchĂ© hongkongais avec un taux de commission rĂ©duit Ă 5 %. Cela Ă©vite aussi la dĂ©pendance Ă un seul intermĂ©diaire local. MĂȘme si celui-ci â Robert Wan â a beaucoup contribuĂ© Ă notre dĂ©veloppement, il est temps pour nous dâĂ©voluer.â
LâarrivĂ©e de Belpearl Ă Tahiti, loin de supplanter les acteurs existants, diversifie les dĂ©bouchĂ©s pour les perliculteurs et encourage une structuration plus ouverte du secteur.
Ăcloseries : la clĂ© pour pallier la pĂ©nurie de nacres
La dynamique internationale ne suffira toutefois pas si lâamont de la filiĂšre sâeffondre. âAujourdâhui, le principal dĂ©fi est la rarĂ©faction des naissains. Le captage naturel ne suffit plus Ă cause de la pollution. Lâavenir passe par les Ă©closeriesâ, souligne Arii Sichoix, qui prĂ©voit de lancer la sienne aux Gambier en mars prochain.
âIl faut deux ans entre la ponte et la rĂ©colte de perles. Si on veut assurer la pĂ©rennitĂ© de la filiĂšre, il faut agir dĂšs maintenantâ, prĂ©vient-il.
Des prix en hausse, mais la vigilance reste de mise
Le marchĂ© de la perle noire reste soumis Ă de fortes fluctuations. âLa crise Covid a freinĂ© la production, et les tensions commerciales entre la Chine et les Ătats-Unis ont aussi pesĂ© sur les prixâ, rappelle Freddy Hajjar.
Mais les signaux sont encourageants. âLes prix ont presque doublĂ© depuis le Covid. On est passĂ©s de 600 Ă 1.200 Fcfp le gramme. Si la demande continue, on pourrait mĂȘme atteindre les 1.800 Fcfpâ, espĂšre-t-il.
Miser sur la qualité avant tout
Le mot dâordre est clair : mieux vaut produire moins, mais mieux. Belpearl achĂšte des perles de qualitĂ© A Ă D, mais sâintĂ©resse aussi aux perles de catĂ©gorie E, proches du rebut, tant la demande est forte.
Avec des perspectives de vente Ă©largies, des formations ciblĂ©es et un accompagnement technique, la prĂ©sence renforcĂ©e de Belpearl Ă Tahiti pourrait bien offrir un nouveau souffle Ă une filiĂšre en quĂȘte de stabilitĂ©.
BaptisĂ©e Poe Tahiti Ăcloserie, cette nouvelle installation ambitionne de rĂ©pondre aux besoins croissants dâune filiĂšre en tension.
Chaque annĂ©e, plus de 90 millions de naissains sont nĂ©cessaires pour alimenter la filiĂšre perlicole polynĂ©sienne. JusquâĂ prĂ©sent, cette ressource provenait principalement du captage naturel dans les lagons de Takapoto, Ahe ou encore Manihi. Ces sites, longtemps abondants, montrent dĂ©sormais des signes dâĂ©puisement. âCâest catastrophiqueâ, dĂ©plore Steve Pommier, fondateur de la nouvelle Ă©closerie. Il pointe du doigt le changement climatique et la surexploitation des gĂ©niteurs comme principales causes de ce dĂ©clin.
Un projet familial nĂ© dâune vision Ă long terme
LâidĂ©e de cette Ă©closerie nâest pas nĂ©e dâhier. DĂšs 2010, Steve Pommier et son Ă©pouse nourrissaient lâambition de crĂ©er leur propre centre de reproduction, avec lâobjectif dâenrichir la palette de couleurs de leurs perles. Perliculteur depuis 1997, Steve a multipliĂ© les dĂ©marches, allant jusquâĂ prospecter au Japon et en IndonĂ©sie, sans succĂšs. Le vĂ©ritable dĂ©clic survient en 2017, lorsquâil rencontre la famille Marissal, pionniĂšre de lâĂ©closerie perliĂšre en PolynĂ©sie.
InstallĂ©e initialement en Charente-Maritime, la famille Marissal a perfectionnĂ© au fil des dĂ©cennies une mĂ©thode unique de reproduction de Pinctada margaritifera, lâhuĂźtre perliĂšre locale. Leur site de Fakarava produit aujourdâhui 10 millions de naissains par an â un volume insuffisant face Ă la demande croissante. Un partenariat naturel sâest alors imposĂ© entre les deux familles.
Un transfert de savoir-faire et un encadrement étroit
Au-delĂ de la technologie, câest toute une expertise que la famille Marissal transmet aux Pommier. Tamaiva Pommier, fils de Steve, a suivi pendant un an une formation complĂšte Ă Fakarava, participant Ă toutes les Ă©tapes de production. Lâencadrement se poursuit : les Marissal superviseront deux fois par an la phase cruciale de ponte. âNous avons une autorisation pour produire jusquâĂ six millions de naissains par an, avec lâobjectif dâen obtenir trois millions par ponteâ, prĂ©cise Steve Pommier.
InstallĂ©e sur 525 mÂČ, lâĂ©closerie emploie aujourdâhui cinq personnes â laborantins, plongeurs, manĆuvres â toutes recrutĂ©es localement. âĂ terme, nous aurons besoin dâune Ă©quipe de dix personnesâ, anticipe-t-il.
Des premiĂšres pontes prometteuses
Le 11 juin dernier, la premiÚre ponte a eu lieu. Trois jours plus tard, les locaux étaient officiellement inaugurés. La moitié des 250 géniteurs préparés ont pondu. Les larves sont désormais élevées en bacs pendant une vingtaine de jours, nourries avec du phytoplancton cultivé sur place, avant de passer cinq mois en nurserie. Elles seront ensuite transférées dans le lagon. Une année complÚte est nécessaire avant leur mise en vente aux perliculteurs, qui devront encore attendre un an pour entamer la culture perliÚre.
Un engagement pour un modĂšle durable
Au-delĂ de la production, la famille Pommier souhaite inscrire son projet dans une logique Ă©cologique. Un systĂšme de consignes sera instaurĂ© pour rĂ©cupĂ©rer les supports de fixation des naissains, afin dâĂ©viter quâils ne finissent au fond du lagon, comme câest encore trop souvent le cas.
Pour Steve Pommier, ce projet, mĂ»ri pendant plus de 15 ans, est devenu vital. âCâest une question de survie pour la filiĂšreâ, affirme-t-il. Si son objectif initial de diversifier les couleurs de perles reste intact, il passe dĂ©sormais au second plan. La prioritĂ© est de fournir des naissains aux fermes dâArutua. âEt je ne suis pas certain que nous pourrons satisfaire toute la demandeâ, conclut-il.
mardi 20 mai 2025
Depuis des dĂ©cennies, cordes, grillages et bouĂ©es sâentassent au fond des lagons, formant une pollution marine persistante. Si plusieurs opĂ©rations de nettoyage ont Ă©tĂ© menĂ©es, extraire ces dĂ©chets Ă parfois plus de 60 mĂštres de profondeur reste une tĂąche complexe, longue et risquĂ©e pour les plongeurs.
« Lors dâune mission Ă Rangiroa, on a constatĂ© que les dĂ©chets Ă©taient retirĂ©s uniquement Ă la main », explique Tearai Sioult, membre de lâĂ©quipe Te MÄ Tairoto. « Ces amas forment des toiles sous-marines dangereuses et compliquent le nettoyage, dâautant quâune fois Ă terre, les dĂ©chets encombrent les quais dont la population a besoin. »
Pour rĂ©pondre Ă ce dĂ©fi, Te MÄ Tairoto mise sur une technologie novatrice : un mini-robot sous-marin Ă©quipĂ© dâun sonar repĂšre les dĂ©chets, ensuite extraits par une barge dotĂ©e de pinces mĂ©caniques et de bacs de stockage.
« GrĂące au sonar embarquĂ© sur notre ROV, nous dĂ©tectons prĂ©cisĂ©ment les zones Ă traiter », dĂ©taille lâingĂ©nieure en gĂ©nie maritime Alice Mounier-Vehier. « Lâextraction est ensuite entiĂšrement automatisĂ©e. Les dĂ©chets sont triĂ©s, nettoyĂ©s et stockĂ©s sur place, sans perturber les fonds marins. »
Le robot peut effectuer jusquâĂ neuf heures dâinspection continue et plonger Ă 100 mĂštres de profondeur â une capacitĂ© extensible Ă 300 mĂštres selon son pilote, Charles Tegakau-Raparii.
Une fois rĂ©cupĂ©rĂ©s, les dĂ©chets sont rapatriĂ©s au village principal puis envoyĂ©s Ă Tahiti. Leur revalorisation est Ă lâĂ©tude. « On travaille avec des spĂ©cialistes du recyclage des plastiques pour explorer des solutions de revalorisation », prĂ©cise Alice.
Les premiers tests rĂ©alisĂ©s Ă Takaroa ont reçu un accueil positif de la population et des autoritĂ©s locales. Une rĂ©union publique a permis de cartographier les zones dâintervention sans gĂȘner les activitĂ©s des habitants.
LaurĂ©at du prix Toa Reef de lâIfrecor et bĂ©nĂ©ficiaire de la subvention Best Life de lâUICN, le projet a pu financer son prototype, sans pour autant couvrir tous les coĂ»ts. « La version finale reste Ă dĂ©velopper », conclut Tearai. « Le dĂ©ploiement sur Takaroa nous servira de base pour ajuster et amĂ©liorer lâappareil. Dâautres financements seront nĂ©cessaires pour aller au bout de cette aventure. »
mardi 8 avril 2025
Une chute vertigineuse pour les perles de culture
Les derniĂšres donnĂ©es de lâISPF, basĂ©es sur les chiffres de la Direction des douanes, rĂ©vĂšlent un net recul des exportations locales au quatriĂšme trimestre 2024 : -62 % en valeur par rapport Ă fin 2023. Sur lâensemble de lâannĂ©e, la baisse atteint 47 %, un coup dur pour lâĂ©conomie polynĂ©sienne.
Le secteur perlier, pilier historique des exportations, est le principal responsable de cette dĂ©bĂącle. Les ventes de perles brutes sâeffondrent : -69 % en valeur et -49 % en volume. Le prix moyen au gramme sâĂ©tablit dĂ©sormais Ă 700 F.CFP, en chute libre (-39 % sur un an). Sur lâannĂ©e, le constat est tout aussi alarmant : -59 % en valeur et -52 % en volume.
Vanille et noni : les rares lueurs dâespoir
Dans ce paysage morose, quelques produits agricoles rĂ©sistent. La vanille connaĂźt une embellie spectaculaire : +76 % en valeur et +50 % en volume, avec un prix au kilo atteignant 59 000 F.CFP. Le noni suit la mĂȘme tendance (+64 % en valeur, +50 % en volume).
Ă lâinverse, dâautres filiĂšres souffrent : lâhuile de coprah progresse lĂ©gĂšrement en valeur (+33 %), mais recule en volume (-21 %). Le monoĂŻ et la nacre dĂ©vissent respectivement de 41 % et 26 % en valeur.
Importations : stabilité globale, mais des secteurs en tension
Du cĂŽtĂ© des importations civiles, la tendance est stable, mais des disparitĂ©s sectorielles se creusent. Les biens dâĂ©quipement affichent une forte progression (+26 % en valeur), tirant les importations des entreprises vers le haut (+6 %). Ă lâinverse, les biens intermĂ©diaires chutent de 12 % en valeur, malgrĂ© une hausse des volumes (+37 %), portĂ©e notamment par les achats de ciment.
Pour les mĂ©nages, le recul est modĂ©rĂ© (-2 % en valeur, -3 % en volume), mais le marchĂ© automobile sâenfonce (-30 % en valeur).
Ănergie : baisse des prix, hausse de la consommation
Les importations de produits pĂ©troliers affichent une baisse de 14 % en valeur, malgrĂ© une augmentation des volumes (+14 %). Sur lâannĂ©e, leur valeur progresse lĂ©gĂšrement (+3 %), mais le prix moyen au kilo sâĂ©tablit Ă 100 F.CFP, en baisse de 24 %.
Une situation contrastĂ©e qui souligne la fragilitĂ© de lâĂ©conomie polynĂ©sienne, encore trop dĂ©pendante de ses perles.
(Sources : ISPF, Direction des douanes)
lundi 17 février 2025
NĂ©e de lâaudace et de la persĂ©vĂ©rance de quelques pionniers, elle a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e pour la premiĂšre fois au public en fĂ©vrier 1965, Ă la chambre de commerce de Papeete. InspirĂ©e du savoir-faire japonais, cette perle unique, dâabord appelĂ©e « perle de Bora Bora », sâest imposĂ©e au fil des dĂ©cennies comme un symbole de luxe et dâĂ©lĂ©gance, malgrĂ© les soubresauts du marchĂ© mondial.
Une aventure jalonnée de défis
Les racines de la perliculture en PolynĂ©sie remontent au XIXá” siĂšcle. Ă cette Ă©poque, lâarchipel Ă©tait reconnu pour ses importantes exportations de nacre, notamment destinĂ©es Ă lâindustrie des boutons, avec des volumes atteignant 30 tonnes par an. « Pour protĂ©ger cet Ă©cosystĂšme menacĂ©, les autoritĂ©s ont cherchĂ© des solutions dĂšs le XIXá” siĂšcle, notamment pour Ă©viter la disparition des bancs de nacre comme ce fut le cas au Mexique », explique Jeanne Lecourt, prĂ©sidente de lâassociation Vahine Arataâi no Porinetia et passionnĂ©e de perles.
En 1827, le scientifique britannique Hugh Cuming est envoyĂ© en mission en PolynĂ©sie. Il y dĂ©couvre et classe la Pinctada margaritifera, une huĂźtre perliĂšre endĂ©mique Ă la rĂ©gion, baptisĂ©e variĂ©tĂ© âCumingiâ en son honneur. Plus dâun siĂšcle plus tard, le Français François HervĂ© tente les premiĂšres greffes, inspirĂ© par le Japonais Kokichi Mikimoto, pionnier de la perliculture moderne. FormĂ© dans les fermes perliĂšres japonaises, HervĂ© mĂšne ses expĂ©rimentations Ă Apataki dans les annĂ©es 1930, sans succĂšs. « Il nâa pas rĂ©ussi Ă maĂźtriser la technique de greffe », prĂ©cise Jeanne Lecourt.
Lâessor des annĂ©es 60
Le vĂ©ritable tournant survient dans les annĂ©es 1960, grĂące Ă Jean-Marie Domard, alors responsable du service de la pĂȘche en PolynĂ©sie. Lui aussi se rend au Japon pour Ă©tudier les mĂ©thodes de Mikimoto. Ses premiers essais Ă Hikueru Ă©chouent, jusquâĂ ce quâil fasse appel Ă un greffeur japonais en 1961. Câest la premiĂšre greffe rĂ©ussie en PolynĂ©sie.
En 1963, Domard transfĂšre son expĂ©rimentation Ă Bora Bora, dotĂ©e dâun aĂ©roport â un avantage logistique crucial Ă lâĂ©poque. Deux ans plus tard, en fĂ©vrier 1965, les premiĂšres perles polynĂ©siennes sont dĂ©voilĂ©es Ă Papeete. Lâambition est alors de structurer une vĂ©ritable filiĂšre et de sĂ©duire les marchĂ©s internationaux.
Un pari rĂ©ussi : dans les annĂ©es 1980 et 1990, la perle de Tahiti connaĂźt un essor remarquable, devenant un emblĂšme du luxe polynĂ©sien. Plus de 1 000 fermes perliĂšres sont alors en activitĂ© Ă travers lâarchipel.
Une gemme unique, sans label officiel
La perle de Tahiti est aujourdâhui la seule gemme française, câest-Ă -dire la seule pierre fine produite localement. Pourtant, malgrĂ© son prestige, elle ne bĂ©nĂ©ficie dâaucun label officiel de qualitĂ© ou dâorigine. « Aux Ăźles Cook, ils cultivent la mĂȘme huĂźtre et peuvent aussi appeler leurs produits âperles de Tahitiâ », dĂ©plore Jeanne Lecourt.
Lâabsence de consensus entre les producteurs bloque toute avancĂ©e vers une certification. « Plus il y a dâacteurs, plus il est difficile de sâaccorder. Doit-on rĂ©server lâappellation aux perles haut de gamme, ou inclure aussi les qualitĂ©s infĂ©rieures ? », interroge Jeanne.
Certaines perles se vendent un million de francs quand dâautres, considĂ©rĂ©es comme des rebuts, partagent pourtant la mĂȘme dĂ©nomination. Pour elle, lâinspiration pourrait Ă nouveau venir du Japon : « LĂ -bas, ils ont la perle Akoya, et la Hanadama, certifiĂ©e, qui reprĂ©sente le trĂšs haut de gamme et se vend trois fois plus cher. »
Une piste prometteuse pour renforcer la valeur et lâimage dâexception de la perle de Tahiti sur le marchĂ© mondial.
jeudi 14 mars 2024
Partie de France pour un pĂ©riple de trois ans, lâĂ©quipe a rĂ©cemment fait escale Ă Mangareva, au cĆur des Gambier, oĂč se concentre 60 % de lâindustrie perliĂšre de PolynĂ©sie.
Une rĂ©alitĂ© prĂ©occupante au cĆur du lagon
Sur lâĂźle, lâĂ©quipage a rapidement constatĂ© lâampleur de la pollution plastique. Dans les eaux turquoise du lagon, aux abords de la ferme perliĂšre de Magali et Dominique Devaux, les dĂ©chets sâaccumulent. Car si la perliculture repose sur lâusage dâĂ©quipements en plastique â bouĂ©es, filets, paniers â leur gestion reste complexe.
« Certaines bouĂ©es peuvent ĂȘtre rĂ©utilisĂ©es, mais beaucoup sont endommagĂ©es et finissent stockĂ©es Ă terre pendant des mois », explique Magali Devaux, gĂ©rante de lâexploitation. Un stockage provisoire devenu un vĂ©ritable casse-tĂȘte logistique.
Son mari, Dominique, ajoute : « Nous envoyons nos dĂ©chets plastiques au centre dâenfouissement de Tahiti, mais câest une solution de court terme, et loin dâĂȘtre idĂ©ale sur le plan Ă©cologique. »
Des solutions concrĂštes Ă bord dâun bateau-laboratoire
Câest lĂ quâintervient Plastic Odyssey. Ă bord de leur navire-laboratoire, les membres de lâexpĂ©dition apportent des solutions innovantes. Les plastiques collectĂ©s sont broyĂ©s puis transformĂ©s, sur place, en objets utiles : pavĂ©s, toitures, matĂ©riaux de construction⊠Le tout grĂące Ă des machines simples, peu coĂ»teuses, et facilement rĂ©plicables localement.
« Ce que nous voulons montrer, câest que le plastique usagĂ© peut devenir une ressource, pas seulement un dĂ©chet », explique Maxime Thirouin, ingĂ©nieur recyclage au sein de lâĂ©quipage. Une dĂ©monstration porteuse dâespoir pour les acteurs locaux, Ă commencer par les perliculteurs.
Dominique Devaux se montre enthousiaste : « Ce projet ouvre des perspectives concrÚtes pour notre secteur. Nous avons besoin de solutions durables, adaptées à nos réalités. »
Vers une filiÚre de revalorisation en Polynésie
EncadrĂ©e par la Direction des ressources marines, une initiative est en cours pour structurer une filiĂšre de revalorisation des plastiques Ă lâĂ©chelle de la PolynĂ©sie. Objectif : collecter, trier et transformer les dĂ©chets plastiques issus notamment de la perliculture, tout en crĂ©ant de la valeur et des emplois locaux.
La visite de Plastic Odyssey Ă Mangareva marque ainsi un moment clĂ© dans la lutte contre la pollution plastique en milieu insulaire. Une dĂ©monstration que, mĂȘme Ă lâautre bout du monde, lâinnovation peut se conjuguer avec lâengagement Ă©cologique.
mercredi 13 mars 2024
Organisée par le GIE Poe o Tahiti Nui et Tahiti Pearl Auction, cette vente internationale de perles a rassemblé les principaux acteurs de la filiÚre, sous le regard attentif du président Edouard Fritch et du consul de Chine, présents pour faire le point sur la conjoncture du secteur perlicole polynésien.
Au total, ce sont 280 000 perles, principalement issues des lagons des Tuamotu, qui ont Ă©tĂ© proposĂ©es Ă la vente, rĂ©parties en 277 lots. Des acheteurs venus de Chine, du Japon, des Ătats-Unis et dâAustralie ont rĂ©pondu Ă lâappel, confirmant lâintĂ©rĂȘt toujours marquĂ© des marchĂ©s internationaux pour la perle de Tahiti.
Un marché sous pression
Les organisateurs espĂ©raient atteindre un volume de ventes compris entre 250 et 300 millions de Fcfp, un objectif partagĂ© par les producteurs, aujourdâhui confrontĂ©s Ă une crise persistante. En cause : une surproduction de perles ces derniĂšres annĂ©es, qui a largement excĂ©dĂ© la demande mondiale. RĂ©sultat, les prix se sont effondrĂ©s, fragilisant lâensemble de la filiĂšre.
Ă cela sâajoute une baisse gĂ©nĂ©rale de la qualitĂ©, aggravant encore la situation. Une rĂ©alitĂ© que nâa pas Ă©ludĂ©e le prĂ©sident Edouard Fritch, qui a lancĂ© un appel Ă la rĂ©gulation :
« Nous devons absolument encadrer la production et prendre les mesures administratives nĂ©cessaires. Câest une prioritĂ© si nous voulons prĂ©server lâavenir de cette filiĂšre emblĂ©matique. »
mardi 13 février 2024
Tout au long de la promotion, la star sâest affichĂ©e parĂ©e de bijoux mettant en valeur les perles noires, notamment celles issues des lagons polynĂ©siens. Que ce soit sur les plateaux tĂ©lĂ©visĂ©s ou sur ses rĂ©seaux sociaux, son style raffinĂ© a sĂ©duit des millions de spectateurs.
Selon un négociant polynésien, cette exposition médiatique, bien que non sponsorisée, a eu un impact majeur sur le marché chinois, contribuant fortement à la reprise spectaculaire des ventes de perles en 2023.
Un boom sans précédent des exportations
LâannĂ©e 2023 a marquĂ© un tournant pour la perle de Tahiti. Les exportations ont connu une envolĂ©e historique, atteignant 16 milliards de Fcfp, contre 6 milliards lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente. Hong Kong sâest affirmĂ© comme le principal point dâentrĂ©e vers le marchĂ© asiatique. Cette progression fulgurante sâexplique par une demande extĂ©rieure en pleine expansion, touchant aussi bien les perles rondes traditionnelles que les keishis.
La tendance haussiĂšre a dĂ©marrĂ© en juin 2023, culminant en octobre avant un lĂ©ger ralentissement. Les keishis, en particulier, ont vu leur prix grimper en flĂšche. Jadis vendus entre 150 et 500 Fcfp le gramme, certains sâĂ©changent aujourdâhui Ă plus de 3 000 Fcfp, portĂ©s par leur raretĂ© et leur aspect unique.
Les keishis en pleine renaissance
Longtemps considĂ©rĂ©s comme marginaux, les keishis reviennent sur le devant de la scĂšne. Leur forme organique, irrĂ©guliĂšre et pleine de caractĂšre sĂ©duit une clientĂšle Ă la recherche dâoriginalitĂ©. Cette tendance est renforcĂ©e par lâintĂ©rĂȘt de grandes maisons de joaillerie, comme Mikimoto, qui intĂšgrent dĂ©sormais les keishis dans leurs collections haut de gamme.
Face Ă cette envolĂ©e des prix, les bijoutiers adaptent naturellement leurs tarifs, sans pour autant freiner lâengouement du public. Les crĂ©ations en keishis sâaffirment comme des piĂšces modernes, audacieuses, et en phase avec les nouvelles attentes du marchĂ©.
Des perspectives Ă surveiller pour 2024
Si les rĂ©sultats de 2023 offrent un vent dâoptimisme, lâannĂ©e 2024 sâannonce plus incertaine. Le secteur devra composer avec les alĂ©as de la mode, les capacitĂ©s de production limitĂ©es des keishis, et lâĂ©ventuelle saturation du marchĂ©. Reste Ă savoir si lâeffet Ni Ni se prolongera dans le temps ou sâil marquera un pic isolĂ© dans lâhistoire rĂ©cente de la perle de Tahiti.
dimanche 11 février 2024
En janvier dernier, lâentreprise a marquĂ© les esprits au salon CES de Las Vegas avec sa solution innovante de surveillance environnementale.
Le principe : Ă©quiper des huĂźtres perliĂšres de capteurs intelligents capables de mesurer la qualitĂ© de lâeau en temps rĂ©el. Ces systĂšmes sont actuellement dĂ©ployĂ©s dans les Tuamotu, notamment sur les atolls de Takaroa et Takapoto, mais aussi dans d'autres rĂ©gions du monde, de lâArctique Ă la Nouvelle-CalĂ©donie.
Jean-Charles Massabuau, cofondateur de la startup, explique :
« On suspend une cage contenant des hußtres dans le lagon. Une premiÚre carte électronique collecte les réactions des mollusques, et une seconde transmet les données via le réseau mobile. » Ces informations, analysées en métropole, permettent un suivi à distance et en continu des écosystÚmes, bien plus efficace que les méthodes traditionnelles.
La technologie de Molluscan Eye sĂ©duit par sa simplicitĂ© et son utilitĂ©. « Ce qui a frappĂ© au CES, câest quâon propose un outil qui rĂ©pond Ă un vrai besoin. Et le plus Ă©tonnant, câest que certains dĂ©couvrent seulement que lâeau peut ĂȘtre polluĂ©e ! », confie Jean-Charles Massabuau.
En utilisant les huĂźtres comme bio-indicateurs, Molluscan Eye ouvre la voie Ă une nouvelle forme de veille environnementale, plus prĂ©cise, plus rĂ©active â et peut-ĂȘtre vitale pour lâavenir des lagons polynĂ©siens.
lundi 11 décembre 2023
Un demi-siĂšcle d'engagement inlassable pour faire briller la Poerava sur la scĂšne internationale.
Câest en 1973 que Robert Wan reprend les rĂȘnes de Tahiti Pearls. Un an plus tard, une rencontre dĂ©cisive avec le professeur Sato au Japon le mĂšne Ă collaborer avec le petit-fils de Kokichi Mikimoto, pionnier de la perliculture moderne. Cette alliance stratĂ©gique marque le dĂ©but dâune aventure exceptionnelle.
En 1977, il acquiert sa premiĂšre rĂ©colte de perles. La suite est une ascension fulgurante : Robert Wan bĂątit un vĂ©ritable empire, en acquĂ©rant des atolls emblĂ©matiques tels que Marutea Sud, Nengo Nengo ou encore Aukena, quâil transforme en joyaux de la perliculture polynĂ©sienne. En 1976, il hisse officiellement la perle de Tahiti au rang de pierre prĂ©cieuse, en collaboration avec le Gemological Institute of America, plaçant ainsi la Poerava sur la carte mondiale de la joaillerie de luxe.
Son travail acharnĂ© et son sens de lâexcellence sont rĂ©compensĂ©s en 1994 par lâattribution des Lauriers dâor de la qualitĂ©. Mais au-delĂ des distinctions, câest une vĂ©ritable vision quâil incarne : celle de la perle de Tahiti comme symbole de raffinement, de culture, et dâauthenticitĂ©.
Lors de cette soirĂ©e anniversaire, lâhomme dâaffaires a rĂ©affirmĂ© sa foi inĂ©branlable en lâavenir de la Poerava. Pour surmonter les crises du secteur, il a su prendre des dĂ©cisions audacieuses : crĂ©er sa propre marque, transformer sa production en bijoux de luxe, et valoriser la perle comme un produit dâexception.
Quant Ă la relĂšve, elle semble dĂ©jĂ assurĂ©e. Son petit-fils Johnny, activement impliquĂ© dans lâentreprise, poursuit le sillage tracĂ© par son grand-pĂšre. Ă 50 ans de succĂšs, Robert Wan oppose encore une passion intacte et une ambition renouvelĂ©e pour faire rayonner cette gemme unique, nĂ©e dans les lagons de PolynĂ©sie, aux quatre coins du monde.